L’anorexie survient dès lors que la nourriture devient un interdit, une tentation qui nous a conquis, une limite que nous avons franchie. Pour se punir de s’être fait plaisir par la nourriture, la personne qui souffre d’anorexie se prive de toute nutrition. Elle est, à l’image de Blanche-Neige l’inventée, en pénitence, dans le silence de l’absence.
Blanche-Neige ayant goûté au fruit défendu, a cédé sous le poids de la tentation. La luminosité et le goût supposé de la pomme rouge vermillon ont poussé la belle dans les bras de l’oubli. Elle a transgressé un interdit, celui du plaisir. Goûter au plaisir est présenté comme un vice ; le plaisir est coupable. Le plaisir est une ignominie car il consiste en la satisfaction d’une pulsion animale, primaire, immédiate.
L’homme, doué de raison, se doit de pas se livrer au plaisir sans une once de conscience. Il a un devoir de conscience qui l’oblige à refréner ses instincts primitifs et, de surcroît, à fuir une réalité irréelle sans limites.
En guise de châtiment pour avoir goûté au plaisir, Blanche-Neige est installée dans un cercueil de verre, d’où elle est privée de tout contact avec le monde et avec elle-même.
La personne souffrant d’anorexie se punit d’avoir éprouvé du plaisir en mangeant. Elle porte en elle le poids de la culpabilité. Elle se pense coupable de s’être laissée aller sur le chemin du plaisir et d’avoir échappé à toute maîtrise d’elle-même. Manger pour se faire plaisir représente pour elle un acte réprimandable de par son caractère immoral. La morale du sujet anorexique coïncide avec une faculté de contrôle, contrôle de soi et contrôle de l’extérieur : « non, je suis maître de moi-même et des tentations du monde qui m’entoure ; si je plie sous l’injonction du plaisir, je perds ma liberté ».
Pour se réveiller et revivre, le sujet anorexique espère le doux baiser du plaisir réconcilié.