L’anorexie ou le refus de la féminité

L’anorexie est un symptôme qui correspond à une perte de l’appétit. Du grec ancien anorexía qui signifie « manque d’appétit », l’anorexie est un trouble du comportement alimentaire se manifestant par une perte de poids importante. Que cache donc ce trouble anorexique ?

Une disparition programmée

L’anorexie est au même titre que la boulimie ou l’orthorexie un trouble du comportement alimentaire. C’est un trouble psychique, dont la psychosomatisation cache en réalité une souffrance importante.

Le trouble anorexique est une réelle tentative de survie. La personne souffrant de ce trouble alimentaire perd peu à peu tout appétit, et se prive peu à peu de manger dans une obsession grandissante face à la nourriture.

Elle se décharne et tend à disparaître aux yeux du monde. Progressivement, en perdant du poids, en se faisant plus discrète, la personne atteinte de ce trouble cherche inconsciemment à disparaître, et de facto, à faire disparaître sa douleur. (voir notre article à ce sujet : Le poids de l’oubli dans l’anorexie).

Un désir d’enfance

Les questionnements de l’adolescence

L’anorexie est un trouble complexe dont l’origine est multifactorielle. Cependant, nous notons que ce trouble du comportement alimentaire se manifeste majoritairement à l’adolescence, entre 13 et 17 ans.

En effet, l’adolescence au sens large du terme, est une phase du développement humain physique et mental qui se manifeste autour de la puberté. L’adolescence est une période difficile, sous-tendue par de nombreux questionnements et désillusions.

Le trouble anorexique qui émerge parfois de cette période chez certains individus en souffrance, sonne alors comme un appel à l’aide. Une tentative d’échapper à une réalité douloureuse, à des angoisses ou à des questionnements existentiels. Ces processus sont, bien sûr, inconscients.

Le refus de grandir

Cette privation anorexique sonne alors comme un refus. Le refus de se nourrir mais aussi de continuer à vivre et à grandir dans un monde que l’on ne connaît pas et dont on ne maîtrise rien.

C’est une étape qui fait peur et qui déstabilise les adolescents. Elle est donc source d’une angoisse parfois immense chez les patients atteints de ce trouble alimentaire.

Il est essentiel de comprendre la nature du lien aux parents dans l’enfance. En effet, celui-ci est quasi fusionnel, puisque l’enfant apprend à vivre et à grandir avec ses parents. Grandir à l’âge adulte nécessite cette rupture psychique avec son entourage. Mais grandir signifie avant tout se réaliser en tant qu’individu à part entière.

Attention, il est important de saisir que la personne atteinte d’anorexie ne cherche pas à redevenir un enfant par manque de volonté ou de courage. Il est cependant en incapacité psychique de grandir face à un futur effrayant et déstabilisant, source d’innombrables angoisses.

Le sujet déclenche donc le seul bouton stop du temps à ses côtés : l’anorexie.

Au-delà de l’enfance : la négation de la féminité

Une négation psychique

L’enfance présente donc un caractère rassurant : elle symbolise le cocon protecteur installé par les parents et l’entourage. Elle représente l’insouciance et la liberté.

Hors grandir, c’est devenir adulte. C’est aussi pour les jeunes filles devenir femme. L’anorexie se manifeste alors en rempart à cette évolution pourtant certaine. En disparaissant physiquement, toute forme de féminité disparaît parallèlement avec la personne en souffrance.

Cette négation de la féminité est traduite de l’esprit de la personne atteinte d’anorexie vers son corps. Elle signifie toujours quelque chose. Quelque chose de plus grand et profond que la nourriture en elle-même. (voir notre article à ce sujet : Le corps de la femme).

Aussi, refuser de devenir adulte, c’est aussi refuser de devenir femme et l’exprimer par le moyen le plus visible : le corps.

Une négation physique

En effet, manifestement, l’anorexie empêche les modifications physiologiques attendues surtout à l’adolescence. Poussée à l’extrême, l’anorexie bloque même la survenue des menstruations, gomme les formes féminines corporelles et cache la transformation d’un corps d’enfant en un corps de femme.

Ainsi, l’anorexie signifie inconsciemment le refus psychologique de la féminité en raison de ses difficultés certaines comme des critères toujours plus exigeants, une charge mentale infinie, un décalage sociétal croissant ou même une angoisse face au futur.

En contrant l’entrée dans l’âge adulte, celle qui souffre d’anorexie semble désirer la survie de l’enfance, face à un futur terrifiant et angoissant. Car la question de la féminité est extrêmement complexe. Qu’est-ce qu’une femme ? Qu’est-ce que cela implique ? Comment le devenir ?

Dans une société de plus en plus précoce et exigeante, où tout est toujours un combat à mener, la douleur de cette place à occuper est parfois source d’une immense angoisse.

Alors, derrière le masque de la maigreur et de la souffrance symptomatique du trouble anorexique, se cache non seulement le refus de la féminité, mais aussi l’expression d’une souffrance ou d’une angoisse profonde.

Une négation dans le temps

L’anorexie par son caractère physique, efface alors ainsi les caractères féminins dans le corps. Mais elle marque également le bouton stop dans le temps. Le bouton stop dans un temps qui va trop vite, et sans mode d’emploi.

La personne souffrant d’anorexie est alors enfermée dans un espace-temps qu’elle pense pouvoir maîtriser et contrôler, mais dont les murs se renferment toujours plus rapidement autour d’elle.

Enfin, l’anorexie, c’est aussi et surtout un signal d’alerte pour l’entourage. La personne touchée par l’anorexie est en réalité effrayée et prise aux plus sombres angoisses.

L’angoisse de l’autonomie, l’angoisse du futur ou de la féminité en devenir sont la tentative de compréhension de questionnements existentiels. Enfin, on comprend alors que ces questionnements se manifestent alors par le biais d’une somatisation : l’anorexie.

Sortir de l’anorexie

Le trouble alimentaire qu’est l’anorexie est un trouble multifactoriel. C’est de plus une pathologie qui, comme les autres maladies psychiques, compte autant de raisons que de personnes atteintes.

Les troubles alimentaires sont d’une part une tentative de survie, face à une douleur trop lourde à porter. (voir notre article à ce sujet : Les TCA, quand la nourriture n’est plus une question de vie, mais de survie). Ils sont également un appel à l’aide, la manifestation extérieure d’un immense mal-être intérieur.

L’accompagnement thérapeutique est ainsi essentiel. Le travail thérapeutique auprès d’un psychologue, psychanalyste ou psychiatre est vital.

Pascal Couderc, psychologue clinicien, psychanalyste et auteur, fondateur de boulimie.com en 1998, vous accompagne dans ce cheminement. Il exerce à Paris, Montpellier et en visioconsultation.