Le stress

Depuis de nombreuses années déjà, le mot ” stress ” est entré dans notre vocabulaire quotidien. Il arrive parfois que les enfants eux-mêmes l’utilisent lorsqu’ils se préparent à des épreuves scolaires.

Cette soudaine célébrité est-elle un phénomène de mode citadin ou répond-elle en fait à un problème de fond lié à notre époque ?

En fait, la notion n’est pas nouvelle et il est bien possible que notre civilisation génère davantage de stress qu’autrefois. Nous vivons dans un monde plus complexe, où les événements se déroulent à un rythme accéléré et exigent de nous des décisions plus rapides, où les exigences de performance sont élevées (ne pas y satisfaire peut nous marginaliser très vite), où les changements sont fréquents et les repères de moins en moins visibles.

Des origines du mot, de la notion de stress

Le mot stress nous vient du latin ” stringere ” (serrer), puis du vieux français ” estrece ” qui signifiait ” étroitesse, oppression “. Apporté en Angleterre par les envahisseurs normands, il a donné le mot ” stress ” qui a pendant longtemps, évoqué des phénomènes physiques de pression mécanique, comme par exemple la pression exercée sur une poutre ou une arche de pont.

Dans les années 50, un chercheur canadien d’origine hongroise, Hans Selye, dans un ouvrage intitulé ” The stress of life “, applique pour la première fois le terme de stress aux phénomènes manifestés par des êtres vivants soumis à des agressions de l’environnement. A partir de ce moment, le terme va connaître une fortune croissante, sans doute en raison de son adéquation complète avec nos modes de vie contemporains.

Qu’est-ce exactement que le stress ?

On peut dire qu’il s’agit de la réponse de l’organisme en vue de s’adapter à toute demande de son environnement.

Le stress, c’est tout ce qui se passe en vous lorsque vous devez faire face aux exigences rencontrées sur votre chemin. C’est donc un processus normal et inévitable : vivre normalement, c’est accepter de rencontrer des circonstances pouvant s’avérer stressantes.

Les trois phases de réaction

  • La phase d’alarme.

    Elle correspond au stress aigu. C’est ce qui se passerait par exemple si au cours d’une croisière en mer, vous tombiez dans l’eau glacée en pleine nuit. L’organisme mobilise alors instantanément ses défenses pour s’adapter très vite aux besoins de la situation : nager, crier, se repérer, chercher un endroit, un objet où s’accrocher.

  • La phase de résistance.

    Elle correspond à l’adaptation plus durable à la situation stressante. Exemple : personne n’a entendu vos appels et vous devez vous résigner à nager pour flotter, en attendant que l’on remarque votre absence et que l’on vienne à votre recherche. Durant cette phase, votre organisme fonctionne toujours de manière à répondre aux besoins, mais plus dans un esprit d’endurance que de performance.

  • La phase d’épuisement.

    Où les ressources de l’individu ne lui permettent plus de s’adapter à la situation. Par exemple : après plusieurs heures dans l’eau froide, votre température commence à baisser, vos muscles sont de plus en plus faibles, votre vigilance altérée et vous commencez à vous laisser couler.

Ces trois phases correspondent souvent à des aspects moins dramatiques de notre vie. Par exemple, en milieu professionnel : annonce d’un gros surcroît de travail (alerte), efforts importants pendant plusieurs jours pour le faire vite et bien (résistance), démoralisation face à la difficulté de mener la tâche à bien et besoin de se reposer (épuisement).

Les stresseurs

Le stresseur est l’événement qui déclenche la réaction de stress. Il apparaît dans votre environnement : votre voiture tombe en panne, une lettre de rappel arrive, une dispute avec un collègue ou un conjoint survient, etc….

On note deux catégories de stresseurs :

  • Les événements de vie ou “stresseurs existentiels”.
  1.  Mort d’un conjoint
  2. Divorce
  3. Blessure ou maladie
  4. Mariage
  5. Arrivée d’un nouveau membre dans la famille
  6. Conflits conjugaux répétés
  7. Nouvel emploi
  8. Licenciement
  9. Retraite
  10. Dette ou emprunt importants
  11. Déménagement
  12. Départ en vacances

Remarquons au passage que certains événements dits positifs (mariage, naissance d’un enfant) sont ravalés au rang de vulgaires stresseurs….choquant ? Peut être, mais cela nous rappelle avec justesse que ce qui compte en matière de stress, ce sont les efforts d’adaptation que va demander la situation nouvelle à l’individu ; or, la venue d’un enfant ou d’un nouveau conjoint nécessite des efforts adaptatifs importants même si ceux-ci sont censés se faire dans la joie.

Face à la même quantité de stresseurs, chacun va réagir très différemment, en partie d’ailleurs parce qu’il va les percevoir différemment en fonction de son vécu propre. Un exemple classique est celui du décès d’un proche. Si ce proche était une belle-mère tyrannique, le décès représentera alors peut être un soulagement plutôt qu’un stresseur.

Les petits tracas quotidiens

Ce sont eux surtout qui creusent le lit du stress. L’accumulation quotidienne d’une multitude de petites contraintes, irritations et frustrations. Celles-ci ne comportent isolément qu’un faible caractère stressant mais c’est leur répétitivité qui en font des stresseurs à prendre en considération, un peu à l’image de la goutte d’eau anodine en elle-même, mais qui finit par percer la pierre la plus résistante à force de tomber toujours au même endroit.

Ces stresseurs quotidiens sont de nature diverses :

  1.  Les contraintes ménagères (courses, ménage, repas à préparer)
  2. Les tensions interpersonnelles (petits conflits avec les proches)
  3. La pression horaire, stresseur le plus fréquemment mentionné (horaires chargé, travail en temps limité, manque de temps pour se faire plaisir…)
  4. L’environnement physique (bruit répété, entassement, durée et conditions de transports en milieu urbain).

Conséquences du stress

Réactions psychologiques

Une question est fréquemment posée aux spécialistes du stress : quelle différence y a-t-il entre l’anxiété et la dépression ? Les rapports entre le stress et ces deux notions sont complexes, mais il semble bien que l’anxiété et la dépression puissent parfois être des conséquences directes du stress.

Pour simplifier, on peut dire que vous êtes stressé tant que prédomine l’aspect de réactivité aux événements : vous vous sentez tendu, agacé parce que votre travail vous stresse, mais en rentrant chez vous le soir, ou en week-end, ou même en partant en vacances, votre tension baisse parce que vous n’êtes plus soumis aux événements stressants. Mais au bout d’un certain temps, si vous êtes trop régulièrement stressé, vous risquez d’intérioriser ce stress et de glisser sensiblement vers l’anxiété : à ce moment, même si vous n’êtes plus en contact avec vos stresseurs, vous continuerez d’y penser et d’y réagir, de ruminer ou d’anticiper les stresseurs.

Ainsi, même en week-end ou en vacances, vous ne pourrez complètement vous détendre en songeant au travail qui vous attend. Enfin, encore un pas, et vous voilà en zone de tendances dépressives, vous dévalorisant, vous sentant incapable de faire face à vos stresseurs et ayant envie de tout laisser tomber.

Bien sûr, les choses ne sont pas toujours aussi simples mais les tendances sont bien là.

Le plus souvent, le sujet stressé n’en arrive pas à ces manifestations, mais présente des signes plus discrets de surcharge psychologique :

  • irritabilité, qui fait que l’on se sent vite agressé et énervé,
  • perte de confiance en soi,
  • baisse de la motivation,
  • diminution de la créativité, de la mémoire ou de la concentration,
  • augmentation du nombre d’erreurs commises.

Réactions physiologiques

Lorsque nous sommes soumis à un stresseur, notre organisme réagit souvent de lui-même, avant même que nous en soyons conscients. En ce sens, les réactions physiques de stress sont ce que l’on appelle des réactions ” phylogénétiques “, c’est-à-dire héritées de notre espèce, et de son évolution au travers des âges.

Dans un stress, l’individu est le siège de réactions hormonales complexes. Celles-ci sont marquées dans un premier temps par la libération de ce que l’on a appelé ” les hormones du stress “, adrénaline et noradrénaline, destinées à nous préparer à l’action physique, à nous permettre de ” passer l’obstacle “.

Puis dans un second temps, si les stresseurs se maintiennent, les hormones cortico-surrénales entrent en action : elles sont destinées à favoriser notre endurance et notre résistance, à nous permettre de ” tenir le coup “.

Toute cette chimie est parfaitement au point mais il arrive parfois que, trop sollicitée, elle dépasse ses objectifs ou se dérègle quelque peu. Le stress peut alors déboucher sur des maladies psychosomatiques. C’est le cas par exemple d’un grand nombre d’allergies et de maladies de peau, de l’asthme, mais aussi de certaines hypertensions artérielles et maladies coronariennes.

De façon plus quotidienne et anodine, des manifestations comme la fatigue et les tensions musculaires (dorsalgies), les troubles du sommeil, les palpitations et les sensations d’oppression thoracique, les colites, les spasmes digestifs et ulcères représentent le lot quotidien des populations urbaines stressées.

Réactions comportementales

Il est assez facile de déceler si une personne est stressée en observant sa façon de se comporter (ladite personne pouvant très bien ne pas avoir le sentiment de l’être). Sous la pression du stress, les individus adoptent en général des gestes vifs, plus précipités, marchent et parlent plus rapidement.

Un des symptômes du stress est souvent que les individus agissent comme sous le coup d’une urgence, là ou cela ne s’impose pas. C’est par exemple ce qui frappent les provinciaux en visite à Paris : tous les passants marchent dans la rue avec précipitation, alors que tous ne sont pas en situation d’urgence.

L’individu stressé adopte aussi des attitudes plus vite agressives ou hostiles en cas de contrariété ou de frustration. D’amusantes études ont été conduites sur des cabines de téléphone volontairement déréglées, pour observer à partir de quel moment le sujet agacé commençait à s’en prendre à la machine.

Des comportements plus complexes encore, comme le recours à l’alcool ou au tabac sont assez souvent corrélés au stress.

Que faire face au stress ?

Le problème des réactions de stress vient avant tout du fait que ces réactions sont en grande partie innées, non contrôlées et souvent non conscientes et non identifiées.

Nous nous apercevons en général beaucoup trop tard de nos symptômes de tension physique, au moment où ils se sont accumulés : c’est en fin de journée ou de semaine qu’apparaissent les maux de dos, maux de tête, maux de ventre, sentiment de lassitude, de découragement, d’irritabilité, etc…

Alors, plus tôt on identifiera ses réactions de stress, mieux l’on pourra y faire face. Mais plusieurs obstacles existent : souvent, on ne prend même pas le temps d’écouter son corps. Par ailleurs, il n’est pas facile de s’avouer que les événements ont un impact émotionnel et physique sur nous.

Dire tout simplement : j’ai eu peur, j’ai été ému, j’en tremble encore est perçu parfois (surtout chez les hommes) comme un aveu d’infériorité. Toujours la même vieille équation erronée : être stressé, c’est être faible, manquer de maîtrise.

Alors, quelle est la solution ?

Mettre en place une réponse de relaxation instantanée

Au quotidien, ce peut être très simple :

  • aussi souvent que possible dans la journée, vérifier que l’on est installé, où que l’on se trouve, de la manière la plus confortable possible ;
  • respirer alors calmement pendant une ou plusieurs minutes pour relancer une bonne ventilation ;
  • essayer de relâcher les muscles de ses mâchoires, de ses épaules, de sa nuque ;
  • visualiser un spectacle agréable (un paysage que l’on aime) ou se dire tout simplement intérieurement une phrase apaisante (” je me détends, je prends soin de moi “).

Bien sûr, ceci est adapté aux petits stresseurs quotidiens et ne permet pas toutefois de traverser la vie dans un état de décontraction absolue, proche de la sérénité ou du zen !

Mettre en place des activités physiques et/ou intellectuelles régulières

Elles sont indispensables pour aider à l’évacuation de la tension accumulée au quotidien (travail, vie de famille). Rien de tel par exemple qu’une bonne heure de piscine, de chant, de yoga ou même une heure de thérapie pour libérer le trop plein et notamment résoudre le stress lié à des événements existentiels importants.

Chaque jour, il est important de se réserver quelques instants, même brefs, d’activité plaisante (téléphoner à un ami, lire quelques pages d’un bon livre, prendre un verre à une terrasse ensoleillée…).

Un des éléments clé pour faire face au stress est également le principe d’auto-observation.

Ainsi, pour mieux anticiper la réaction faut-il :

  • ne pas en nier l’existence (” Stressé, moi ? jamais ! “)
  • en connaître correctement les mécanismes
  • ne pas sous-évaluer sa propre personnalité en matière de stress, en surévaluant le rôle des stresseurs “C’est parce que j’ai une vie, un travail, un conjoint, des enfants, etc… stressants. Sinon tout irait parfaitement bien !”.
Pascal Couderc
Psychanalyste
boulimie.com